J’espère ne
froisser personne si je rappelle en préambule que l’Homme, qui ne
descend pas vraiment du singe, n’est cependant qu’une espèce de
primates parmi d’autres. Cette grande famille compte 130 espèces
de singes et une seule d’humains : l’homo sapiens sapiens,
c'est-à-dire nous, seuls rescapés de la dernière ère glaciaire
qui a vu s’éteindre notre cousin Neandertal.
C’est
l’australopithèque, considéré comme le premier Homme, qui a
entamé il y a 5 millions d’années, la séparation entre les
humains et leurs autres cousins primates. Depuis, nous régnons en
maîtres absolus sur la terre et aucune autre espèce animale ne
conteste notre suprématie.
« Nous »
avons appris à marcher, à faire du feu, à nous servir d’outils,
à parler… Et surtout nous avons développé une conscience. Et
pourtant, si notre cerveau a évolué, notre génome est semblable à
98% à celui du chimpanzé. Nous sommes des humains et nous dominons
tous les animaux grâce à notre intelligence, mais nous n’en
sommes pas moins constitués de la même matière qu’eux. Après
notre mort et même si nous avons tout à fait le droit penser que
notre âme s’en échappe, notre corps se dégrade de la même façon
que celui de n’importe quel animal. Même si cette idée n’est
pas réjouissante, une nouvelle biologie se met en place et tout
corps, même humain, commence à se décomposer. C’est inéluctable.
Nous savons tous
que nous sommes mortels, mais nous l’oublions à chaque instant
parce que cette idée est terrifiante et aussi parce que nous sommes
incapables de concevoir notre propre fin. Nous rejetons la mort, la
nôtre mais aussi celle de nos proches. Confrontés à la perte d’un
être cher, il nous faut traverser une série d’étapes et d’états
émotionnels avant de parvenir à l’acceptation. Dominés par nos
sentiments qui inhibent notre raisonnement, il nous est impossible
d’envisager le défunt en tant que cadavre.
S’il n’est
pas question d’expliquer à une famille encore sous le choc de
l’annonce du décès, le processus de décomposition dans ses
moindres détails, il est en revanche indispensable pour tout
conseiller funéraire d’en avoir connaissance. En effet, s’il est
chargé d’organiser les obsèques, on lui confie également un
corps humain, dont il devient responsable. Il lui appartient donc
d’anticiper les problèmes et de proposer des solutions, car elles
existent. La plus efficace et la seule qui permette à l’heure
actuelle d’exposer un défunt dans de bonnes conditions d’hygiène
et de sécurité et de laisser de lui une dernière image apaisée
et apaisante est la Thanatopraxie, mais on peut également avoir
recours à la table réfrigérante, à la rampe, ou tout simplement à
la cellule réfrigérée. L’important est de connaître les limites
de toutes ces méthodes de conservation.
Il faut bien
distinguer la manière dont on doit expliquer le processus de
décomposition et les solutions qui permettent de l’enrayer ou
simplement de le ralentir aux professionnels qui devront dispenser
les meilleurs conseils aux familles et les mots soigneusement pesés
et choisis avec lesquels ces mêmes professionnels devront aborder
cette question délicate avec les familles.
Il est évident
que personne ne rapporte de cadavre humain du supermarché, la
métaphore du poulet non vidé me semble donc bien plus parlante.
C’est l’argumentaire que j’utilise couramment avec les futurs
conseillers funéraires. Laisse-t-on un poulet non vidé à
température ambiante ? Non, et bien les conséquences d’une
exposition à température ambiante sans aucun traitement sont les
mêmes pour un corps humains que pour un poulet. Je pense que tout un
chacun est accessible à ce raisonnement, qui relève de la logique
la plus élémentaire et qui ne revient en aucun cas à comparer un
humain à un poulet, mais simplement à provoquer une prise de
conscience. Nous sommes constitués de la même matière que les
animaux et nous dégradons de la même manière. C’est un fait, pas
une simple vue de l’esprit.
Nous savons tous
que notre enveloppe charnelle n’est pas éternelle, mais lorsque
nous sommes touchés par un deuil, il nous est impossible de
l’entendre. Notez bien que je dis « nous », parce que
je m’inclus également. Nous Thanatopracteurs, conseillers
funéraires, porteurs ou fossoyeurs, sommes simplement des humains
comme les autres. Nous sommes confrontés aux mêmes épreuves tout
au long de notre vie et nous devons nous aussi faire face à la perte
de nos proches. Lorsque je parle aux familles, je puise simplement
dans mon expérience personnelle pour trouver les mots justes.
Ce n’est pas
simple, tout comme de s’aventurer à écrire sur un sujet aussi
tabou que la décomposition humaine. C’est très facile d’aller
prendre un mot ou une phrase et de les placer en dehors de leur
contexte pour leur faire dire n’importe quoi… Décider d’exprimer
ses idées, c’est forcément s’exposer. Mais qu’on adhère ou
pas à mon propos, il émane de ma propre réflexion, mûrie durant
toutes ces années passées à m’occuper des défunts et à essayer
de partager mon expérience et de transmettre mes connaissances.
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